Réaliser ensemble
Une opération immobilière singulière
En amont : la recherche foncière, le développement d’un véritable mode partenarial et la constitution d’un collectif sur des valeurs partagées.
A première vue, la réalisation d’une opération de construction immobilière est conditionnée par un certain nombre de paramètres, du foncier à la structuration juridique en passant par le montage financier équilibré du projet. Mais le cadre singulier des opérations d’habitat en autopromotion collective ou en coopérative d’habitants invoque également un positionnement sur un certain nombre de valeurs partagées et d’envies qui motivent le projet d’imaginer un projet porté par le désir d’habiter autrement.
Pour porter les valeurs que le groupe défend et le représenter au sens du collectif, se constitue avec les initiateurs de la démarche une association régie par la loi 1901. Cette association a la vocation de promouvoir l’habitat participatif en amont de la production du projet. Elle est un interlocuteur représentatif auprès d’institutions ou de collectivités et permet d’être représenté dans les réseaux nationaux d’habitat participatif. Elle porte les valeurs défendues collectivement en initiant la constitution future d’un groupe de futurs habitants.
Parmi les éléments qui conditionnent la réalisation d’une opération immobilière, la question foncière est la plus déterminante. La recherche foncière s’établit alors en discussion avec cette association qui, défendant ses valeurs et positions, engage un travail de recherche en partenariat avec des interlocuteurs publics (une mairie, un opérateur foncier, un aménageur, etc…).
Au titre d’une interpellation que formule le groupe sur son désir à participer activement à la construction de son cadre de vie en tant qu’usager-acteur, cette étape est la première expression de « savoirs d’usages » qui seront complétés des « savoirs d’ouvrages » indispensables à une professionnalisation redéfinie de la construction d’un projet immobilier.
Montage
En assistance au montage pré-opérationnel : la définition du programme, la constitution d’un groupe maître d’ouvrage et de sous-groupes thématiques de travail.
La phase de montage du projet a pour objectif d’établir un programme cohérent et viable qui sera présenté ensuite à une équipe de maîtrise d’œuvre pour sa réalisation.
De manière générale, un programme se compose des éléments suivant :
- Un budget, exprimé en coût de construction hors taxes, associé à un montant d’honoraires qui lui est proportionnel.
- Un terrain, auquel est associé un certain nombre de conditions réglementaires (COS et/ou CES, PLU) mais également des conditions plus spécifiques géotechniques, présence de pollution, de servitude....
- Une répartition programmatique et un tableau de surfaces, qui définit une base du projet architectural, proche d’une esquisse.
- Des attentes particulières qui peuvent préciser des points précis en termes de performances (label à obtenir), de fonctionnement, de gestion ou d’utilisation de l’énergie.
C’est au cours de cette étape de programmation que le groupe maître d’ouvrage se constitue lui-même, sa composition étant garante de l’équilibre des éléments programmatiques tels que le budget ou la programmation spatiale.
Pour définir son programme, le groupe se forme donc aux « savoirs d’ouvrages » qui lui sont nécessaire d’acquérir pour mener une opération immobilière. Il travaille donc et fait des choix raisonnés sur des aspects précis du projet. Ces choix sont les choix que le groupe fait, porte et défend en tant que maître d’ouvrage. Ces choix recouvrent les champs suivants :
- Financier : avec une proposition de montage opérationnel avec un plan de financement, un schéma de fonctionnement équilibré entre recettes et dépenses.
- Juridique : une proposition de montage juridique, choix d’un régime de société et proposition d’un régime juridique d’occupation foncière (cession / signature de bail différé / bail emphytéotique, clause anti-spéculative)
- Spatial : expression collective et individuelle des besoins à partir des usages, adéquation entre les fonctionnalités, les volumétries et les enveloppes, construction d’un parti-pris
- Technique : choix relatifs aux procédés constructifs, aux matériaux et aux équipements des bâtiments (gestion de l’énergie, gestion des usages)
Dans le cadre d’un projet, cette phase se constitue de plusieurs ateliers thématiques dont la fonction de formation est à destination du groupe en cours de constitution. Elle tend à assurer les apprentissages des savoirs d’usages nécessaires à la conduite d’une opération immobilière. Ces ateliers sont pilotés par une AMO et/ou un architecte, et peuvent faire appel à différents professionnels (universitaires, juristes, sociologues, économistes, etc).
Au sortir de cette phase, l’ébauche d’un programme est présentée sous forme de fiches accompagnées d’une simulation spatiale qui permet dans un premier temps d’appréhender grossièrement la capacité et la constructibilité pour chacun des terrains. Ces études, présentées sous forme d’une simulation 3D en BIM, d’une hypothèse programmatique et d’un récapitulatif des contraintes réglementaires, techniques et financières, ne sont pas en soi des éléments fermes et définitifs. Il s’agit de proposer une base plausible sur laquelle le groupe a à retravailler en fonction des besoins et attentes qu’il exprime.
Livrables : Tableau financier et tableau de surfaces. La dimension programmatique peut éventuellement faire l’objet d’une modélisation spatiale soit en maquette soit en 3D numérique.
Conception
La maîtrise d’œuvre : un dialogue collaboratif, un contrat au temps passé.
Dès lors que le groupe s’est constitué en entité juridique, s’est déclaré et a validé la viabilité du projet qu’il porte en l’état donné de ses choix, commence la phase de maîtrise d’œuvre à proprement parler.
Dès le début de cette phase, une mission est contractualisée entre le groupe et une équipe de maîtrise d’œuvre. La phase de conception a pour objectif de permettre au groupe d’effectuer auprès d’une mairie une demande de permis de construire puis ensuite d’effectuer la consultation des entreprises pour ensuite entamer la phase du chantier.
La maîtrise d’œuvre est souvent constituée en équipe, que constituent différentes compétences qui entourent le travail de l’architecte. Cette équipe se constitue :
- d’un architecte
- de bureaux d’études spécialisés. Bien souvent, il s’agit de compétences en structures, calculs thermiques, voire d’économistes.
La rémunération et le contrat avec le maître d’œuvre.
Le travail de conception collaborative suivi par un maître d’œuvre appelle une organisation différente du travail de conception, qui sans un cadre clair peut se révéler extrêmement chronophage. Les étapes d’arbitrage et de validation par le collectif sont des éléments qui permettent d’encadrer le travail avec un groupe.
Par ailleurs, la proposition est faite ici d’avoir recours à une rémunération qui s’établie non pas seulement au pourcentage du montant total des travaux, mais aussi au temps passé. Il peut être judicieux que la phase CON s’établisse sur une grille au temps passé. Le contrat établit les modalités de la rémunération et l’organisation du travail en ateliers et réunions. Il est accompagné d’un bordereau de prix unitaires qui détaille le coût unitaire des séances de travail collectif. Tout dépassement du temps préalablement estimé dans le contrat se voit rémunéré sur la base des prix unitaires jusqu’alors pratiqués. Pour la phase EXE, un contrat de base peut alors être appliqué en restant dans un pourcentage du coût travaux.
A quel moment faire appel à des bureaux d’études et bureaux de contrôles ?
Se repérer dans les étapes d’une mission « classique » de maîtrise d’œuvre.
Dès lors qu’un contrat de mission complète est signé entre un maître d’ouvrage et un maître d’œuvre, celui-ci réalise une mission qui se divise en plusieurs étapes, de la réalisation d’une esquisse à la livraison du bâtiment. Ces étapes fixent peu à peu le projet et ordonnent la facturation du travail.
Ces étapes, propres aux contrats de maîtrise d’œuvre, organisent le travail sur le schéma en phases suivant :
- Phase Esquisse
- Phase APS / APD : avant-projet sommaire et avant-projet détaillé.
- Phase DPC : dépôt du permis de construire.
- Phase PCG : phase de conception générale
- Phase ACT : phase d’assistance aux contrats de travaux, sur la base d’un DCE (dossier de consultation des entreprises)
- Phase EXE / VISA : phase d’exécution et de visa des plans d’exécution
- Phase DET : phase de direction de l’exécution des travaux
- Phase AOR : phase d’assistance aux opérations de réception, sur la base d’un DOE (dossier des ouvrages exécutés)
Bien que le travail de conception collaborative dans une opération d’habitat participatif soit différent d’une mission plus « traditionnelle » de maîtrise d’œuvre, ces étapes constituent tout de même des repères dans la définition des éléments du projet et des livrables qui sont rendus au maître d’ouvrage.
Le travail de conception collaborative.
A la différence de la phase d’AMO qui permet au groupe de se constituer, la phase de projet à proprement parler établit plusieurs niveaux d’échange entre des interlocuteurs différents du groupe.
- Les interlocuteurs : qui parle avec qui ?
Le groupe désigne en premier lieu une personne physique parmi ses membres qui endossera le rôle de maître d’ouvrage délégué (MOAD) au nom du groupe. Cette personne a pour rôle d’échanger avec les différents corps de maîtrise d’œuvre et a pour rôle celui de visa au nom du groupe qu’il représente. Enfin, il est l’interlocuteur direct qui temporise dans le groupe les échanges entre le groupe et les organismes tiers avec qui il est amené à travailler tout au long de la réalisation du projet : une collectivité, des entreprises, une équipe de maîtrise d’œuvre, un architecte, des bureaux d’études, des concessionnaires. Ce dernier enfin endosse une part importante du travail en phase de chantier puisqu’en représentant du groupe, il suit le chantier et coordonne en parallèle le suivi de l’opération pour le groupe (principalement sur le plan financier).
Pour plus de détail, voir § En chantier !
Enfin, le groupe composé de personnes associées rassemble un pool de foyers qui attendent toutes une part individuelle du projet, traduite dans l’expression des besoins et des attentes de chacun qui a lieu en phase amont de constitution du groupe auto-promoteur de l’opération.
- Les outils de la conception collaborative en maîtrise d’œuvre.
Esquisse, APS : Le groupe a défini au préalable les choix qui expriment ses attentes et des besoins. Ces éléments orientent une grande part du projet.
Pour mener à bien les opérations de définition plus détaillée du projet général avec le groupe, sont employées généralement des simulations 3D schématiques qui permettent principalement de définir l’organisation spatiale générale : principes de distributions des lots, organisations des lots, volumes et surfaces des lots.
Cette étape introduit notamment, dans le cadre d’une opération qui prend la forme d’un immeuble collectif ou semi-collectif, des impératifs de trames structurelles qui découlent des orientations prises par le groupe dans la définition de son montage. Enfin, s’ajoutent des impératifs réglementaires divers (gabarit, dimensions, PLU, distances et respect des règlementations diverses, PMR, incendies, zone inondables, carrières, etc… ).
Livrables :
La fin de cette étape donne lieu à des jeux de plans, de coupes et de façades, des pré-chiffrages, un tableau de surfaces ainsi qu’à un premier carnet de détail, faisant état des choix constructifs et des épaisseurs structurelles à prendre en compte. Les orientations techniques peuvent être détaillées dans des notices écrites. Ces éléments peuvent être accompagnés d’une modélisation 3D qui rend compte de l’enveloppe bâtie qui se constitue.
Dépôt de demande de permis de construire, APD / APD+ : L’avancée du travail doit permettre d’aboutir à la définition précise d’une enveloppe de construction, au sens d’un volume bâti, d’une insertion urbaine et d’une surface exprimée en surface plancher (SP) ou en SRT voire en SHON. Ces éléments constituent des livrables rendus au groupe maître d’ouvrage. Ces éléments sont suffisants au dépôt d’un permis de construire. Un permis de construire ne fait en effet état que les éléments suivant :
- L’enveloppe du bâtiment projeté, représentée en coupes et façades précisant les matériaux d’enveloppe, ainsi que l’occupation du sol, présentée en plan de masse. (à titre d’exemple, la distribution intérieure d’un logement n’est pas un élément présenté dans le cadre d’une demande de permis de construire)
- Une expression de la surface construite et de l’attribution de ces surfaces à des usages programmatiques (nombre de logements, espaces collectifs, commerces, locaux annexes).
- Un cadre réglementaire dans lequel s’inscrit le projet (accessibilité PMR, sécurité incendie, performance énergétique)
PCG et DCE : Une fois les calages programmatiques et volumétriques validés par le groupe maître d’ouvrage, le travail porte sur une phase projet qui se traite lot par lot. L’objectif est d’arriver à une définition précise et arrêtée du projet, en vue de le présenter à une entreprise.
De manière individuelle, chaque lot est présenté à son réservataire et s’engage une phase de travail, principalement en plan, qui permet d’ajuster et de retravailler l’organisation interne des logements en tenant compte des invariants fixés au préalable par le dessin programmatique. A titre d’exemple, un gabarit de construction aura naturellement des incidences sur les orientations et les expositions des logements. De même que les principes de distribution et d’organisation des lots les uns par rapport aux autres fixent un certain nombre de points « durs » dans le plan : les accès, les gaines de passage des fluides, les évacuations d’eau usées.
Cette phase de travail peut se voir accompagnée d’un outil de modélisation spatiale qui permet d’appréhender spatialement les dessins en plans. Cet outil peut être numérique, auquel cas il s’agit d’un modèle 3D mis à disposition des membres du groupe, ou peut être physique, auquel cas il s’agit d’une maquette à proprement parler.
Livrables :
A la fin de cette étape, le projet est constitué sous la forme d’un dossier de consultation des entreprises (DCE) qui détaille précisément l’ensemble des prestations qui seront attendues. Le dossier se compose de jeux de plans, coupes, façades, d’une notice écrite détaillée (CCTP), d’un tableau d’estimation des coûts détaillés, de fiches produits.
- Les arbitrages et processus de validation.
Il est nécessaire pour avancer et pour garantir collectivement une équité dans la considération des attentes individuelles de chacun des membres du groupe, de fixer à l’avancement progressif des éléments de projet. Les étapes du projet et les livrables présentent à l’avancement des points validés considérés comme des acquis du processus en marchant.
Même si la plupart de ces points peuvent faire appel à un champ de variables possibles, sur lesquelles se rabattre en cas de « fausse piste », il en va de l’utilité d’être clair et arrêté sur les choix ; le but étant d’éviter une perte de temps et des égarements qui d’expérience, peuvent s’avérer nuisibles à la progression du travail.
Les éléments sont fixés par arbitrage du maître d’ouvrage aux vues des conditions qu’il doit respecter : les valeurs portées par le groupe, son enveloppe financière, ce que son projet porte et défend.
En chantier !
Le rôle de la MOE et de la MOA
Lorsque le maître d’œuvre assure une mission complète, il élabore le dossier de consultation des entreprises, il effectue l’analyse des offres, il vérifie le dossier marché, il valide la phase d’exécution, il assure le suivi du chantier et clôt sa mission par la réception des ouvrages avec le maître d’ouvrage.
En élargissant sa mission de base à l’OPC, il assure la coordination des entreprises et le pilotage général de l’exécution des ouvrages.
Il a, au nom du groupe, comme seul interlocuteur direct le maître d’ouvrage délégué désigné par le groupe pour le représenter. Ce maître d’ouvrage délégué peut également se voir épauler dans sa mission par un assistant à maîtrise d’ouvrage technique – AMOT – dans le cas où ses compétences sont insuffisantes sur certains points techniques, ou si simplement sa disponibilité ne lui permet pas d’assurer correctement ce rôle.
La maîtrise d’ouvrage désigne des organismes de contrôle, interfaces indispensables au travail de la MOE. Cette interface se constitue :
- D’un bureau de contrôle, qui se charge du contrôle du bon respect des règlementations de constructions. Il est indispensable dès lors que des montages faisant appel à des organismes de garanties sont en jeux ;
- D’un bureau certificateur, qui attribue des labels, principalement sur le volet des performances énergétiques. Ces labels sont souvent indispensables à l’obtention de certaines conditions financières et fiscales impliquées dans le montage financier ;
- D’un coordinateur SPS, qui est en charge de la sécurité durant la phase de chantier.
Les études complémentaires sur des lots techniques spécifiques peuvent être dues au moment de la phase d’exécution par les entrepreneurs qui prennent les marchés correspondants. Par exemple, en plomberie, électricité ou charpente bois, les entrepreneurs effectuent les études en interne, que l’architecte et le bureau de contrôle visent avant exécution.
L’ouverture de chantier.
L’avancement des travaux et facturation.
Processus de paiement d’une facture présentée par une entreprise à l’avancement de l’exécution de ses ouvrages.
Une attention toute particulière est portée sur ce processus qui fait intervenir une série d’interlocuteurs et qui a pour conséquence d’allonger le temps de validation. Il est en effet nécessaire que chacun dans la boucle vise et valide la conformité de la situation :
- Pour le maître d’œuvre, aux vues du marché conclu et de l’avancement effectif des travaux ;
- Pour le groupe maître d’ouvrage, aux vues de son plan de financement et des échéances de paiement planifiées avec l’organisme bancaire ;
- Pour le gérant de la société d’autopromotion, aux vues du processus acquisitif de parts sociales à chacun des membres en contre partie des fonds mobilisés ;
- Pour l’organisme de caution et de garanties (GF), aux vues du prévisionnel financier et du montant total des prestations qu’il couvre au titre de la garantie financière.
Charte collaborative : https://drive.google.com/file/d/0Bzw2V3t8fZVlUGJlemlfUjBnekU/view?usp=sharing